Louange à Allah ! Que les Prières et le Salut d’Allah soient sur notre Prophète Mohammed, ainsi que sur sa famille et tous ses Compagnons !
D’après l’Imam Ahmed et e-Nasâî, selon Usâma ibn Zaïd, le Messager d’Allah jeûnait certains jours d’affilés à tel point que nous pensions qu’il ne
s’arrêtait jamais ; et il mangeait certains jours d’affilés à tel point
qu’il ne jeûnait plus si ce n’est deux jours par semaine. Il les
consacrait séparément au jeûne en dehors des périodes où il jeûnait. Il
n’y a pas un mois où il se consacrait le plus au jeûne que pendant Chaabâne. Je lui posais la question à ce sujet :
« Cher
Messager d’Allah ! Tu te consacres au jeûne à tel point que tu ne le
romps pratiquement plus ; et tu interromps le jeûne à tel point que tu
ne t’y consacres pratiquement plus si ce n’est deux jours que tu
consacres séparément au jeûne en dehors des périodes où tu jeûnes.
- Quels sont ces deux jours ? demanda-t-il.
- Le lundi et le jeudi lui répondis-je.
- Au
cours de ces deux jours, les œuvres sont exposées au Seigneur de
l’univers, et j’aime être en état de jeûne lorsque mes œuvres Lui sont
exposées.
- Je ne te vois pas autant jeûner les autres mois que pendant celui de Chaabâne.
- Les gens oublient ce mois qui se trouve entre Rajab et Ramadhân. C’est pourtant le mois au cours duquel les œuvres montent vers le Seigneur de l’Univers (Y), et j’aime être en état de jeûne lorsque mes œuvres Lui sont montées. »[1]
Ainsi, il n’y a pas un mois en dehors du mois prescrit, où le Prophète jeûnait le plus que celui de Chaabâne. Il y jeûnait pratiquement (ou probablement) tout le mois.[2]
Cependant, il ne lui plaisait pas que l’on puisse jeûner tous les jours
de l’année sans interruption. Il disait même que la meilleure façon de
jeûner était celle du prophète Dawûd qui jeûnait un jour sur deux. [3] Or, selon Abû Huraïra, le Messager d’Allah a interdit de jeûner la deuxième moitié de Chaabâne[4] ce qui semble –du moins en apparence – contradictoire avec le Hadith précédemment cité. Plusieurs hypothèses ont été soulevées par les savants pour résoudre cette question.[5]
En réalité, les textes concordent, car l’interdiction précédemment
évoquée concerne uniquement celui qui voudrait commencer à jeûner à
partir du milieu de Chaabâne. Quant à celui qui jeûne pendant tout le mois ou presque, il n’est pas concerné par cette interdiction.[6]
Concernant les mérites du mois de Chaabâne, nous pouvons recenser le Hadith rapporté par e-Tabarânî et ibn Hibbân, et selon lequel Allah considère toutes Ses créatures la nuit au milieu du mois de Chaabâne. Au cours de cette nuit, Il pardonne à tout le monde en dehors du païen et de deux individus en conflit.[7]
Par contre, aucun rituel n’est spécialement légiféré cette fameuse
nuit. Il existe certes un texte qui encourage à s’y consacrer en prière
et à consacrer la journée suivante au jeûne, mais celui-ci n’a aucune
origine qui ferait autorité. Selon ‘Alî (t) en effet, le Prophète aurait dit : « Consacrez la nuit du milieu du mois de Chaabâne à la prière, et consacrez le jour suivant au jeûne, car Allah descend au premier ciel au coucher du soleil pour y déclarer : « Y
a-t-il quelqu’un qui réclame Mon pardon pour que Je lui pardonne ? Y
a-t-il quelqu’un qui Me demande de l’enrichir pour que Je l’enrichisse ?
Y a-t-il quelqu’un qui subit un malheur pour que Je l’en soulage ? » Il reste ainsi à énumérer tel et tel cas jusqu’à l’aube. » Ibn Rajab s’est contenté de dire que cette annale est simplement faible (Dha’îf).[8] Le spécialiste contemporain en la matière, Sheïkh el Albânî estime, quant à lui, qu’elle est purement et simplement inventée (Mawdhû’).[9]
Quoi
qu’il en soit, dans l’hypothèse où il y aurait une annale authentique
sur les mérites de cette nuit-là –en dehors de celle que nous avons
évoquée – cela ne justifie pas d’y innover des pratiques quelconques et
encore moins de s’y adonner en groupe. Sheïkh el Islam ibn Taïmiya souligne à ce sujet : « Il
existe deux sortes de prières surérogatoires en groupe. L’une d’entre
elles se fait usuellement en assemblée comme la prière de l’éclipse
(Kusûf), la prière de la pluie (istisqâ), la prière les nuits du Ramadhan (Tarâwîh ndt.). Ces prières se font toujours en assemblée conformément à la Tradition.
L’autre
sorte de prière concerne celle qu’il n’est pas légiféré de faire
usuellement en assemblée comme les prières rattachées à l’office
(Rawâtib), la prière du matin (e-Dhuhâ), et la prière de salutation à la mosquée (Tahyatoul-Masjid),
etc. Il est ainsi autorisé de les faire en groupe de temps à autre en
assemblée. Or, en dehors de ces deux catégories, il n’est légiféré de
faire aucune prière en assemblée ; c’est même une détestable innovation.
En effet, le Prophète les Compagnons, et leurs Successeurs n’avaient pas pour habitude de se
réunir en vue de faire d’autres prières que celles que nous avons
citées. Le Prophète a tout au plus occasionnellement formé un petit groupe pour faire une
prière facultative. Il avait l’habitude de prier la nuit seul, mais une
nuit qu’ibn ‘Abbâs passait chez lui, il lui fit profiter de prier avec
lui. Une autre nuit, il l’a fait avec Hudhaïfa, et une autre fois avec ibn Mas’ûd. Un jour, il s’est joint à ‘Utbân ibn Mâlik el Ansârî qui l’avait invité à prier dans sa Musalla (son lieu de prière). Un autre jour, il a présidé la prière devant Anas, sa mère, et un orphelin.
Cependant,
la plupart de ces pratiques surérogatoires, il les faisait seul. Or,
les pratiques facultatives que nous venons de citer sont rattachées à la
tradition. Quant à innover une forme de prière spéciale ayant un nombre
de Rak’a et une lecture déterminés qui serait fixée à un moment
déterminé ; et que l’on ferait en groupe de façon usuel comme les
prières sur lesquelles la question fut posé ; à l’exemple de Salat
e-Raghâib le premier vendredi de Rajab, l’Alfiya le premier jour de
Rajab, ou au milieu de Chaabâne, ou encore la prière qui a lieu la
vingt-septième nuit du mois de Rajab ; il faut savoir que ce genre de
prières n’est pas légiféré à l’unanimité des grandes références de
l’Islam comme l’ont souligné les savants qui font autorité.
Seul
un innovateur ignorant peut inventer une telle pratique. Ouvrir la
porte à de telles choses signifierait de modifier la législation
musulmane, et d’avoir une part du blâme orienté à ceux qui légifèrent
dans la religion d’Allah ce qu’Il ne leur a point autorisé, mais certes
Dieu Seul le sait ! »[10]
Il est vrai que certains anciens réservaient certaines pratiques à l’occasion de cette fameuse nuit.[11] Cependant,
non seulement cela ne justifie pas de les imiter, car ils pensaient que
les annales sur la question faisaient autorité – alors que comme nous
l’avons vu ce n’est pas le cas –, mais qui plus est, cela ne justifie
pas de les faire à la mosquée.
Ainsi, prier la nuit du milieu du mois de Chaabâne reste
permis, si on le faisait seul ou au milieu d’une assemblée privée comme
certains anciens le faisaient. Mais de là à se réunir dans les mosquées
pour effectuer une prière déterminée comme la prière aux cent Rak’a au cours de laquelle on récite mille fois à chacune d’entre elles : (dis : Allah est Unique), c’est une innovation qu’aucune référence parmi les anciens n’a recommandé de faire.[12]
Quant au fait de jeûner le lendemain de cette fameuse nuit, rien n’empêche de faire les trois jours de jeûne que le Prophète a préconisé chaque mois ou bien de jeûner la majeure partie du mois,[13] ou encore le mois entier. Un certain Hadith pose néanmoins problème pour les deux derniers points. D’après el Bukhârî et Muslim en effet, selon Abû Huraïra le Prophète a déclaré : « Ne devancez pas le Ramadhan d’un jour ou deux, sauf pour celui qui doit accomplir un jour de jeûne. »[14]
Pour mieux comprendre le problème, il faut savoir que trois cas de
figure sont possibles ici et que chaque cas détient un statut
particulier.
Premièrement : le fait de jeûner le dernier jour de Chaabâne par précaution afin de ne pas rater éventuellement le premier jour du Ramadhan
si la nuit du doute n’annonce rien. Cela est strictement interdit bien
que certains Compagnons –qui vraisemblablement ne connaissaient pas le
texte en question – le faisaient. Toutefois, ibn ‘Omar –que l’Imam Ahmed imitait – faisait la distinction entre la nuit du vingt-neuvième jour de Chaabâne où il y avait des nuages, et la nuit sans nuages.[15]
Deuxièmement : faire le jeûne pour celui qui doit s’acquitter d’un vœu, ou qui veut récupérer un jour manqué du Ramadhan
passé, ou encore qui est soumis à des jours d’expiation, etc. Dans ce
cas, il est possible de le faire pour la majorité des savants. Par
contre, il est interdit de le faire selon une tendance parmi certains
anciens qui exige de laisser un espace d’au moins un jour dans l’absolu
entre Chaabâne et Ramadhan. On relate –bien que cela soit sujet à discussion – qu’Abû Hanîfa et e-Shâfi’î notamment déconseillaient de le faire.
Troisièmement : prendre le vingt-neuf Chaabâne comme un jour de jeûne facultatif. Les savants à l’instar d’el Hasan, considérant qu’il faille laisser une durée entre Chaabâne et Ramadhan,
déconseillent de le faire. Mâlik et les savants en accord avec lui ont
donné la permission de jeûner à celui dont le jour de jeûne tombe le
vingt-neuf. E-Shâfi’î, el Awzâ’î, et Ahmed et d’autres
distinguent toutefois entre un jour de jeûne fait par habitude et un
jour de jeûne quelconque. Il est pertinent de distinguer également entre
celui qui jeûnait plus de deux jours avant la fin du mois et qui
voudrait introduire sans interruption ses jours de jeûne avec le mois de
Ramadhan. Cette pratique est possible sauf aux yeux de
ceux qui déconseillent de jeûner à toute personne qui commencerait ses
jours à partir de la deuxième moitié de Chaabâne compte tenu du
texte sur la question venant l’interdire. Par contre, si quelqu’un
jeûnait déjà au cours de la première moitié du mois, il lui est possible
de continuer de le faire jusqu’à la fin du mois.
En résumé, de nombreux savants estiment que le Hadith
d’Abû Huraïra précédemment cité est en vigueur. Par conséquent, il est
déconseillé de jeûner facultativement un jour ou deux avant le début du Ramadhan sauf pour celui qui le fait par habitude ou pour celui qui a décidé de jeûner pendant tout Chaabâne.[16]
Par ailleurs, les savants ont cherché la raison pour laquelle, il fut
interdit de jeûner un jour ou deux avant le mois du jeûne. Trois
hypothèses ont été retenues : la première : c’est pour éviter de faire des jours de Ramadhan supplémentaires. La deuxième : c’est pour distinguer entre les jours de jeûnes obligatoires et les jours facultatifs. La troisième qui est la moins pertinente : c’est en vue de garder ses forces pour le mois prescrit.[17]
Malheureusement,
certains ignorants peuvent s’imaginer que ces deux fameux jours servent
à faire les provisions de nourritures pour imiter certaines coutumes
chrétiennes et pourquoi pas pour beaucoup d’entre eux, ils servent à
faire ses provisions de péchés ![18] Il est aussi navrant de constater que certains trouvent que le Ramadhan
est pénible en raison des rituels comme la prière et le jeûne qui y
sont prescrits. Beaucoup de gens prennent la peine de prier uniquement à
l’occasion de ce mois bénit. Beaucoup renonce notamment aux grands
péchés au cours de cette période qu’ils peuvent trouver longue et
difficile. Ils passent ainsi leur temps à compter les jours et les nuits
en quête de retrouver les plaisirs qu’ils ont perdus durant un mois. En
fait, ils ont pleine conscience qu’ils n’évoluent pas et qu’ils n’ont
aucune volonté sincère de repentir. En cela, ces gens-là sont perdus !
Quoiqu’ils ne soient pas les pires, car certains n’attendent pas la fin
du mois pour se vouer à la débauche…[19]
Que les Prières et le Salut d’Allah soient sur notre Prophète Mohammed, ainsi que sur sa famille et tous ses Compagnons !
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[1] Rapporté par Ahmed dans son Musnad (5/201), et e-Nasâî (4/201-202).
[2] Voir Sahîh e-Targhîb wa e-Tarhîb de Sheïkh el Albânî (1/595-597).
[3] Idem. (1/601).
[4] Voir Sahîh el Jâmi’ de l’Albânî (397).
[5] Voir Latâif el Ma’ârif fîmâ el ‘Âm min el Wazhâif d’ibn Rajab.
[6] Voir Majmû’ Fatâwa Sheïkh ibn Bâz (15/385).
[7] Voir Sahîh e-Targhîb wa e-Tarhîb (1/597).
[8] Voir Latâif el Ma’ârif.
[9] Voir Dha’îf e-Targhîb wa e-Tarhîb (1/316).
[10] Majmû’ el Fatâwâ (23/414).
[11] Voir Latâif el Ma’ârif.
[12] Voir : Majmû’ el Fatâwâ (23/131).
[13] Voir Latâif el Ma’ârif.
[14] Rapporté par el Bukhârî (1983) et Muslim (1082).
[15] Voir : Majmû’ el Fatâwâ (23/122-125).
[16] Voir Latâif el Ma’ârif.
[17] Idem.
[18] Idem.
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